Allez, on peut le dire sans trop se tromper. Les « Piccoli Padri » ont vécu ce week-end leur plus mémorable tournée. Non que les précédentes n’aient été moins excellentes. Non, cette fois, la conjonction de péripéties et d’imprévus, de galères et de plans foireux, a été particulièrement extraordinaire. Pour ceux qui n’en savent encore rien, voilà à peu près ce qui s’est passé en Vénétie du 8 au 10 avril.
Ca commençait comme dans un épisode de l’Agence Tous Risques. Avec Yvo dans le rôle d’Hannibal, cigare au bec, qui aime bien qu’un plan se déroule sans accroc.
Tout le monde avait son billet Ryan Air, malgré les désistements de Titi et Rony. Nemo, pas prévu au programme avait même changé d’avis à 14h le jour même pour rallier la troupe. Guillaume et Bénédicte, Simon villégiaient déjà en Vénétie (c’est nouveau, ça vient de sortir), Nico Deski arrivait en avion par ses propres moyens, et Schnitzel fonçait en 2CV sur les routes d’Autriche.
Et puis crac. La fausse note. La mouche dans le lait.
Onze gars, perdus dans les bouchons du Stade de France, arrivent après la fin de l’enregistrement à Beauvais. Une hôtesse butée ne veut rien entendre. Coup de massue général. StefJack est désemparé de l’autre côté de la vitre.
Sans rien trahir de la suite : Jacques dira après-coup que c’est en voyant la tête déconfite de Stef qu’il a pris sa décision. « Ca s’est imposé à moi, je crois ».
Yvo, Jacques, Greg, Franck, Ben, Nemo, Nono, Fifi, Ximun, Tramber et Jérôme, donc, vont tout tenter pour ne pas lâcher le week-end quand même bie compromis à cet instant précis.
Après un baroud d’honneur à l’aéroport de Beauvais, ils échouent à la gare de Lyon pour voir le train de nuit leur filer sous le nez. Passage à vide. Jérôme renonce. Les autres gambergent, de sombre humeur. Jacques sort un laconique « demain, je joue ». Le comble, pour un vieux Pline qui a déjà annoncé 117 fois sa retraite sportive. Don Diego, quoi.
L’affaire est entendue. A deux voitures, ils tracent vers l’Italie dans la nuit, pas certains de pas être en train de faire une folie. L’odyssée va prendre des proportions dantesques, anthologiques, avec deux tempêtes de neige essuyées, l’une dans le Morvan l’autre dans les Alpes, sans compter des trombes d’eau.
A Trévise, pendant ce temps, les Petits Pères survivants du vol Ryan Air sont accueillis en bus Pullman par Gianni, du Benetton Trévise. Gianni décontenancé, qui avait prévu 25 casquettes vertes Benetton. Gianni qui nous emmène bouffer au « Brek », un self attenant au théâtre de Trévise, en cours de réfection. La Petite Porte, quoi. Prosecco puis café. Super, même si on commence doucement à réaliser que ça va être difficile de jouer à 9 demain. Bernard accepte tacitement le principe de jouer tout le match.
On pousse jusqu’à un bar sous des arcades. C’est le déluge. Les rues se sont vidées, et pas à cause du Pape, ni de la 16e corrida pédestre trévisane prévue le dimanche.
Certains PP sortent leurs paquets de cigarettes. Une jeune et jolie barmaid roule de grands yeux, affolée, et s’emballe : « Vietato fumare ! vietato fumare ! Fuori, fuori ! ».
Ben quoi « vietato fumare » ? Quelqu’un a compris ?
Ben voilà, en Italie, on ne fume pas dans les lieux publics. Pas grave, on est entre athlètes.
Tiens, puisqu’on parle d’athlète. Un petit gars râblé, crâne rasé et grands yeux bleus, s’avance, presque timide. Gianni fait les présentations.
« Eh, les gars, vous connaissez Alessandro ?
– Qui ?
– Troncon. Alessandro Troncon.
Tonio est pas sûr si c’est du lard ou du cochon. Il dévisage, lorgne en biais. Appelle Janique et la terre entière. Jean-Pierre Foucauld aussi. C’est son droit.
– Ouais, ouais, c’est ton vis-à-vis demain, Tonio.
– Ouais, mais est-ce qu’il sait qu’il va jouer contre Four ? Antoine Four.
Ouf, boutade. Troncon affronte Padoue en première, dimanche. Le derby vénitien que Trévise d’ailleurs va remporter 34-10, grâce au scoop de notre indispensable Yvo Chapatte. Mais là, on respire pour Tonio et aussi Nono. Qui aurait quand même bien tenté une chistera face au pitbull de Montferrand.
11h samedi. Les naufragés de la route atteignent Trévise. Tout cotonneux. Ils ont tout eu sur la route, essuyé la nuée. Double tempête de neige, déluge. Un voyage interminable et éprouvant, avec des prises de quart toutes les deux heures, sans jamais se lâcher. Et puis, la délivrance. Voilà l’hôtel Continental, où un petit comité d’accueil leur souhaite la bienvenue. Hop, une bière, des pâtes et au lit. Le match est à 18h30. Vont être frais, tiens.
Vecio Treviso vs. I Piccoli Padri
Le jour s’est levé à Trévise sous les plus sombres auspices, mais un nouveau miracle va s’accomplir, après l’arrivée des forçats de la route. La voûte plombée se déchire progressivement et une heure avant le match, le soleil brille à nouveau (ouah, c’est de toute beaaaaauté, ça).
Conditions idéales pour un match disputé sur le terrain principal du Benetton Trévise, en bordure de la ville. Pelouse grasse et bien lourde pour nos trotteurs et les charges de cavalerie légère. L’antre des champions d’Italie est absolument superbe. Un rêve, comparé aux terrains du Polygone. Les vestiaires ne sont pas moins époustouflants. Immaculés, immenses, régulateurs dans les douches, tableau blanc pour les derniers réglages de combis, rations d’eau et de Gatorade à l’entrée. Grand luxe. Y a même un local « antidopi » mais bon, les forçats ont mangé des Malabar avant d’arriver, on évite par précaution. L’IRB autorise le passe-droit.
Sous l’égide de Franck (capitaine), Jacques et Rico, les Petits Pères rentrent dans le match. Captain Franck remet les pendules à l’heure.
3x20min, mêlées simulées, le numéro 8 ne se délie pas, on tape dans nos 22. Essais sans conversion.
18h15. Bernard, qui s’est fait remettre le maillot numéro 2 par captain Franck dans les vestiaires, dirige un beau hakaka, très respect par les Vecio alignés.
Echange de fanions. Benard remet au capitaine italien la très belle affiche « Vecio Treviso vs. I Piccoli Padri » réalisée par Tramber.
Coup d’envoi
Les Petits Pères sont cueillis, l’espace de cinq premières minutes bousculées, où les Vecio écartent deux fois vers leurs véloces trois quarts, qui marquent deux très beaux essais. Les quelques maladresses initiales sont rapidement gommées par les visiteurs, dont le pack met la marche avant. Les ballons sont conservés au chaud, le soutien est instantané.
Cependant, les Vecio plaquent bien, très bien même, et ils vont réussir à en marquer un troisième au cours de ce premier tiers-temps, sur une balle de récupération.
Mais les Petits Pères en mettent deux, éteignant toute inquiétude diffuse dans la foule de supporters, qui s’étaient mis une seconde à redouter la grosse dérouillée.
Au terme de plusieurs temps de jeu, Ben s’échappe au centre du terrain, et chaloupe dans la défense battue de vitesse, pour aplatir entre les poteaux 70m plus loin.
Vivats du kop.
Quelques minutes plus tard, toujours dans le premier tiers-temps, le pack PP enchaîne de superbes déroulés, Ben s’échappe après transmission aux trois quarts par Nono. Repris à dix mètres de la ligne, il trouve Tramber au relais, dans le parfait timing, qui s’en va marquer.
Salve d’applaudissements sur le banc de touche. L’espoir revient, le kop s’emballe. « On est pas minables, on est pas minables ». « Eh, on domine, hein ? ».
Les Vecio vivent de rapines, exploitant intelligemment leurs rares ballons d’attaque en première main. Ca ne va pas les empêcher de marquer mais les Petits Pères, gavés de munitions, attaquent, relancent de leur ligne d’en but à la main avec Nono et Jacques aux manettes. Et ne sont surtout pas venus pour faire de la figuration », comme le relève Bernard ravi, depuis ses gradins.
Ca ne va pas suffire. Le deuxième tiers temps donne lieu à combat féroce, stérile au niveau du score, mais les PP dominent, effectivement, grâce au pack, énorme d’étayage et de soutien, de pick and go et de cocottes. Lors de la dernière période, avec du sang neuf derrière, des essais chauffent, mais les tentatives échoueront à rien. StefJack est repris à 30cm de la ligne. Un ultime regroupement n’aboutira pas. Simon perce à gauche sur les 40m PP d’une monumentale accélération, s’arrache, fixe le dernier défenseur mais la passe entre lui et Lolo 400, qui appelle intérieur, donne en-avant. Rageant.
Alex aussi, qui va donner pour un essai après s’être aussi arraché, mais un costaud lui assène une splendide cravate. Ca s’appelle l’expérience, il paraît. Anti-jeu total, plutôt. « Les déblayages ont été parfois limite », renchérit FredLulu, qui a vu le combat de près. Ils sont trop sympas, ces Vecio, malgré leur l’art consommé dans le ralentissement de balle. On n’en dira pas plus. Captain Franck opine du chef, donc j’ai bon.
On ne glosera pas non plus sur le pied en touche imaginaire de Lomu, qui filait le long de la ligne à droite du terrain, que l’arbitre de touche met 5 minutes à signaler. Normal, il est rivé à son téléphone portable. L’arbitre de champ lui redresse copieusement les bretelles.
Les Vecio l’emportent quatre essais à deux. Un match très enlevé, plein de maîtrise devant et de chevauchées derrière, très plaisant à regarder, dira le public unanime et nombreux (bien quarante personnes). Tout le monde est content, Bernard heureux comme Ulysse (et en plus, y a sa Pénélope dans les gradins).
Le point fort du match
On en retiendra deux.
La touche : impériale. Rares sont celles que les Vecio parviennent à conserver sur leur propre lancer. Côté Petits Pères, je n’en ai souvenir que d’une seule chipée.
Les énormes et successives cocottes du pack, qui ont laminé littéralement l’opposition en deuxième mi-temps. Personnellement, puisant dans mes souvenirs clairsemés, je n’avais jamais vu une telle maîtrise de la part du huit de devant, ni une telle agressivité si parfaitement maîtrisée. Au risque de se répéter : soutien et étayage spectaculaires d’efficacité. Et l’opposition n était pas venue pour boire du spritz (‘comprendrez plus bas).
L’action du match. Il y en aurait beaucoup, mais retenons la nouvelle combi inaugurée en ce 9 avril à Trévise. Nono feinte la passe au 10 et redonne intérieur … à la tête de Fred lancé plein pot. Le jour où la tête chopera le ballon, ça sera énorme, comme combi. Pour l’instant, ça fait mal, non, Fred ?
Ripaille et festoyage
Banquet énorme le soir. Brasero dehors, les Italiens savent recevoir. Concert habituel, mais les hôtes sortent leurs guitares et ils connaissent d’autres trucs qu’Eros Ramazotti. Nous pas trop, mais on chante quand même. La soirée se poursuit en ville, le Benetton Treviso nous ramène et quelques-uns nous emmènent dans un très chouette bar à vin. L’autre moitié des PP se retrouve dans celui de la veille où on a découvert le « vietato fumare ». Nouvelle découverte trévisane : le spritz ! Breuvage traditionnel vénitien, des plus prisés par Vivienne, Janique, Sarah & co, qui contaminent leurs hommes puis à tout le monde. Ca finira en cohue au bar, où le boss gêné explique à ses serveuses effarouchées et un brin débordées qu’il faut rester aimable avec les « francese » déchaînés. Faut dire aussi que Fifi et Djool, aidés par un Fred428 tonitruant, reprennent en cœur les grands classiques petitpériens. Ca gêne le quidam, mais nous, pas trop.
Epilogue
Rideau sur un grand week-end, où les Petits Pères ont été formidablement accueillis par d’adorables Italiens, par le truchement du Duce dei Piccoli Padri, Don Bernardino.
Merci Yodadda.
L’invitation retour est lancée : en février 2006 à Paris, pour France-Italie. D’où question à Tonio : tu connais de bons engrais pour faire ressembler le Polygone au Stadio Treviso d’ici là ?
Une pensée enfin pour les absents qui, avec leurs excuses valables, nous ont bien manqué: Jérôme, Eric D, Mugne, Titi, Rony, Tanguy, Romuald, Phil et Nico.
Ciao tutti. C’était « grande ».
Maurin
Citations
-Yvo. Métro Crimée, 16h15, voiture pleine. « Les gars, y en aura cinq à l’heure à l’aéroport ».
-Nemo, arrivé zen à 18h10 à l’aéroport, pour le vol de 18h30, découvrant les autres refoulés et complètement démontés. « Bah, les gars, qu’est-ce que vous faites là ? »
-Anonyme, à Bernard qui tente une compo de crise dans l’avion, et trouve le moyen de prévoir des remplaçants avec 14 joueurs valides. « Bernard, tu as mis Alexis en deuxième ligne et en premier centre ».
-Rico, à 1h du mat, dans un bar trévisan, qui raccroche d’avec Yvo. « Oh putain les gars, vous allez pas me croire. Ils sont encore à Auxerre ».
-Le réceptionniste de l’hôtel Continental, s’arrachant les cheveux, après avoir réceptionné Guillaume et Bénédicte jeudi, Simon et Maurin vendredi, les 14 de Ryan Air, et apprenant qu’il y en a 11 qui manquent. « Ma, vous allez tous arriver comé ça, les uns après les autres ? »
-Greg, après 20h de voyage, les yeux à dix degrés, le nez dans sa bière vide, cheveux en bataille, monosyllabique et limite inaudible. « J’ai un petit coup de barre, là ».
-Yvo, idem, après 20h de voyage. « Je m’en fous, je joue pas. On va faire des courses ? »
-Simon, en proie à la plus insolite des pulsions et chou blanc tout du long. « Quelqu’un a pas un coupe-ongles ? C’est pour couper un ongle ».
-Paternité attribuée collectivement à Ben, Djool, Lolo et Ximun (c’est du propre), dans l’ombre d’un doute. « En goguette ? Ca veut dire quoi en goguette ?»
«Ca veut dire la prendre en levrette sur les gogues ».
-Collectif, à Gianni qui demande : « ba, coma se dice club-house en francese ? »
« Ben, euh, club house.»
-Yvo, à Franck transformé en homme sandwich, qui se tâte, sur le point d’acheter le maillot de match du Benetton Trévise, qui n’a plus un cm² de tissu pour honorer tous ses sponsors. « Non, je te jure, on voit à peine la pub ».
-Collectif, bouche en cœur, gorge déployée, éperdument italophone au banquet, après chaque chanson italienne : « Te amo … na na na … Te amo !!! » (Stef, je peux pas m’empêcher de revoir ta tête, là. Totalement aux anges)
-Virginie, remontée comme un coucou, après la monumentale cravate assénée à Alexis, qui venait de percer à gauche du terrain. « Vous avez vu celui qui a fait ça ? Vous avez repéré son numéro ? »
-Fred428, 1h du mat après le match, un peu petate comme un coino, incapable de prononcer le nom du breuvage historique vénitien, le spritz. « Hep, Signor, per favore, un Schprimps ! Euh, un Prims ! Un schpips ! Oh merde ».
A compléter, bien sûr. J’avais pu ma tête à un certain point, après le schhhmprimps.