Un match de rugby, c’est souvent une question de point de vue. Selon que l’on joue 1 ou 15, notre paysage familier de joueur peut varier d’une tronche de pilar mal rasé en gros plan pendant 80 mns à une vaste plaine de jeu dont les lignes se perdent loin, là-bàs à l’horizon, et ou seul témoigne de l’engagement présent une cocotte au loin, où se devine un magma indéfinissable de bras et de jambes que l’on s’attendrait à voir surmonté d’une bulle pleine de spirales, de bâtons de dynamite et de têtes de mort.

Ces jours-là, où l’arrière et les ailiers égayent leur solitude en prêtant l’oreille au vent mutin et en cherchant des trèfles à quatre feuilles, ces jours-là s’appellent des « matches d’avants ».

Ce sont paradoxalement des matches dont on parle après, et c’est souvent lors de ces discussions d’avants que l’arrière apprend ce qui s’est passé pendant le cours du jeu, quand il n’est pas rentré chez lui en grommelant qu’il n’a *encore* pas touché un ballon, mais cela n’existe
pas chez les PP.

Trève de digression.

Aujourd’hui ce ne fut pas un match d’avants ou un match d’arrières, ce fut un match de tous. Ca s’est senti dès les vestiaires, ou chacun s’est tu sans qu’il y ait a le répéter douze fois, ou chacun s’estmotivé en silence en respectant la parole de Rico.
Ca s’est senti pendant l’échauffement, soudés. Ca s’est senti pendant les préparations de combinaisons, sérieuses, volontaires, engagées.
Et ça s’est ensuite méchamment senti sur le terrain.
Rien à dire sur l’entame de match : serieuse, volontaire, engagée, appliquée. Des ballons conquis devant comme il faut, protégés comme il faut, libérés comme il faut, ni trop ni pas assez, pour une charnière dynamique, et des ballons qui ont volé plusieurs fois jusqu’à l’aile,
avec tout plein de passes à hauteur, de prises de balles incisives, et du rugby plein les yeux de tout le monde, y compris des spectateurs adverses.

« Mais pourquoi les ballons tombent au bout des combinaisons? ». La question a rodé sur la touche, car il est vrai qu’en dépit d’intentions généreuses, on a tombé pas mal de ballon au moment de conclure. La réponse se trouve sans doute dans la rapidité du jeu, et ce qui m’étonne moi, c’est qu’on se soit fait autant de passes A CE RYTHME DE JEU. Je ne vais pas me féliciter qu’on soit parvenu à se faire trois passes (copyright Obewan), mais qu’on se soit cherché, trouvé plein champ, qu’on ait cherché la croisée, qu’on se soit fait trois passes successives SUR UN PAS, là est pour moi la différence, et
peu s’en fallut qu’on ne la fisse de p… de peu, la différence.

Alors vu de l’arrière, devant c’est loin. Mais à aucun moment on n’a eu la sensation que le paquet d’en face pouvait prendre le dessus sur le nôtre. La présence sur les ballons, leur protection et la libération de la balle m’ont semblé aujourd’hui témoigner d’une cohésion, d’une envie de jouer ensemble et de battre enfin ces Elans de Chevilly, peu sujets à la critique.

Quant au fermage de gueule, il fut chez nous à peu près exemplaire aujourd’hui, ce qui nous a permis de savourer le spectacle de l’adversaire qui panique et qui se met,
lui, à trop parler. Respect des régles, on ne s’est pas mis à la faute qui consiste à vouloir trop parler avec Gérard Brette. Les Elans, eux, si. Combien de pénalités/mêlées l’arbitre a-t-il retourné en notre faveur ?.. A méditer.

En tout cas, on pourra pas dire qu’on n’est pas capable d’appliquer cette auto-discipline là quand on veut.
En seconde mi-temps, fatigue aidant, les grandes envolées ont diminué d’ampleur, et on est, à mon avis d’arrière, retombé un peu dans nos travers qui consistent à tellement sentir la faille chez l’adversaire qu’on cherche le défi physique. Moins de transmission de balle, mais
de belles percussions – il nous reste derrière à travailler le soutien sur ces incursions en terrain adverse. Toujours un gros boulot de récupération devant, mais plus de cafouillages derrière.

Mais encore une fois, je pense qu’à aucun moment on ne s’est senti très inquiété, conservant en défense pas mal d’application – abnégation sur les cartons en un contre un devant, montée en ligne coordonnée pour les arrières, ce qui a fait reculer l’adversaire à plusieurs reprises.
Une rigueur assez nouvelle dans mon champ de vision d’arrière, je dois dire, plus habitué à des montées peu ordonnées qui laissent à l’adversaire tout loisir de prendre des intervalles.

Voilà pour l’essentiel ce que j’ai pu voir de mon poste aujourd’hui.
Je n’ai pas une vista d’entraîneur, je ne suis pas un puits de savoir technique, mais je contribue comme je peux à la demande de maître Kahn sur une narration un peu détaillée de l’ensemble du match.

Tout n’est pas parfait, comme le dit Jérôme on sa gargarise cinq minutes et on remet là tête dedans, mais je pense ne pas être le seul à avoir senti une envie de bien faire particulière sur ce match-là.
Je nous en souhaite beaucoup dans le même genre.

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