Quinze mecs dans un long tunnel bien sombre : je n’aurais pas aimé nous croiser hier en arrivant au Haras de lupin, bien groupés, bien solidaires, bien à l’heure au sortir des voitures. Oubliées les divergences capitalo-prolérariennes : nous arrivâmes, je le redis, en nombre et bien soudés. Au sortir du tunnel, comme d’hab’, un terrain sec, sec, sec, du genre qui fait de la fumée à la Bip Bip et Coyote quand on court dessus. En rentrant aux vestiaires, nos coudes et genoux faisaient déjà la gueule à l’idée d’aller embrasser la pelouse relativement absente d’un sol quasi sub-saharien.
Sortie de vestiaire sage et consciencieuse tandis que nos adversaires, un rien insouciants, gambadaient sur le terrain d’à côté, improvisant un » touché » en t-shirt, contrastant avec les phases de jeu appliquées des Petits Pères.
Insouciants toujours, les Braves entamaient ce qui leur semblait un match d’entraînement, toujours en t-shirt. Gros rythme d’entrée, grosse confrontation, coups de boutoirs contenus par les PP, une fois, deux fois, trois fois, des lignes arrières très dynamiques et offensives, une défense PP très agressive. Il n’empêche qu’à force d’alterner infiltrations et jeu au large, les braves parviennent à prendre les PP en défaut et à marquer grâce à un 3 contre un en bout de ligne. Rien à dire sur l’essai.
Les PP repartent, plus concentrés que jamais. Si le match reste à ce rythme, il va falloir tout donner. Et plutôt que de repartir en arrière, les PP vont de l’avant, immédiatement, pilonnant le pack adverse qui n’en attendait pas tant. Greg derrière la ligne, ça veut dire 1 partout, la balle au centre, et le message PP en prime : on est folklo, sans doute, mais on n’est pas là pour se faire humilier.
Un changement de maillot plus tard, tout le monde est rentré dans le vif du sujet. Ca ne passe pas dans la ligne ? Les Brèves tentent le jeu au pied. Mais contrairement au match des Mercenaires, les PP pensent à bien se réorganiser sur les coups de pied : on relance, on repart.
Côté pack : plaquage, placement et abnégation. Côté trois-quarts itou. On ne cherche pas l’exploit personnel, et on tient sa défense en ligne. Ximun touchera plus de joueurs balle en mains que de balles tout court, mais c’est comme ça que l’on contient les assauts des brèves qui commencent à s’énerver, à parler haut, à donner des infos à l’arbitre, puis des ordres, on n’est par moment pas loin d’un discours de campagne. Ce qui se retourne contre eux.
A force de relances, on retourne dans leur camp. Là encore, pressing intense. Mugne récupère une balle tombée dans les 22 sur un cafouillage adverse et va marquer. On passe moins de temps chez eux mais on est plus réaliste : c’est bon signe.
Sauf que.
Les PP exemplaires qui encaissent sans broncher les assauts plus ou moins licites depuis le début, commencent eux aussi à avoir les oreilles qui chauffent. Difficile pour moi de situer le début des échauffourées, toujours est-il que l’étincelle se propage et que tout à coup, tout n’est plus que poussière, bras et jambes tournoyant dans un carnaval de couleurs, le tout surmonté de quelques nom d’oiseaux, défis verbaux, et rodomontades, tout ça pour prouver que j’ai du vocabulaire. C’est bien simple : j’ai bien cru que dans une mêlée, l’adversaire avait évoqué un casting Mc Do.
Ce que voyant, l’arbitre, comme le train, siffle trois fois histoire de rappeler que c’est lui qui décide de la durée des mi-temps.
~ Interlude pendant lequel on apprend qu’il faut maîtriser nos nerfs et que si l’adversaire provoque ce n’est que pour mieux nous faire douter de notre jeu. Une orange, une gorgée d’eau, et on y retourne ~
La reprise est studieuse. Le jeu se situe souvent dans le camp des PP, toujours bien organisés. On note une percée de Ben, sans laquelle il n’est pas de match PP concevable (est-ce ici qu’il marque ? Je ne sais plus). Mais surtout, surtout, une cohésion impressionnante face à de bonnes individualités, notamment derrière.
Le placement, le replacement, les arrières au soutien des gros et les gros au soutien des arrières, Loïg en retrait pour se prémunir des attaques aériennes, tout ça fait que les PP laissent venir des Braves, renforcés en début de deuxième mi-temps. Encore une fois, outre le match terrible des gros (pour les combi en touche, j’ai pas bien compris les nouvelles, mais j’ai tout mon temps) chapeau bas pour les centres qui ne laissent rien passer défensivement.
Et pourtant, des impacts, il y en aura mais fluctuat nec mergitur, pour prouver que j’ai aussi du vocabulaire latin : la défense est très volontaire et très rassurante. Ximun aura beau être frustré de grandes envolées à la fin du match, il n’en reste pas moins que le boulot défensif fait partie du taf de centre, et qu’il a été bien fait.
Toujours vaillants, nous reprenons peu à peu du terrain. Jusqu’à une terrible cocotte : d’aucuns diront 20 mètres, d’autres 25, et quand on en reparlera dans dix ans, nous dirons bien 50 mètres au bas mot. Bref : hors des 22, le pack pousse les Braves jusque dans leur en-but. Sur les derniers mètres, Mugne va mettre la tête, suivi par Ben, et je ne suis pas certain qu’on n’ait pas fini à 15 dans ce maul si ce dernier n’avait déjà pénétré dans l’en-but. Coup de sifflet de l’arbitre : l’essai est accordé. 4-1. Et on serait bien retourné au centre du terrain si les bras et les jambes cités plus haut ne s’étaient remis à tourner dans tous les sens, version » chic ! des Romains « . Ce que voyant et nonobstant l’envie de jouer de beaucoup, l’arbitre se remit à siffler trois fois, terminant là une mi-temps de 20 minutes, diront les uns, 30 minutes dira l’arbitre.
Magie du sifflet : arrêt immédiat des hostilités et début des applaudissements et de la haie d’honneur de la part des deux équipes, ce qui semble confirmer l’adage qui veut que le rugby soit définitivement un sport de voyou joué par des gentlemen.