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Bon, à première vue, comme ça, on se dit, c’est plié.
A ma droite, une centurie de jeunes et véloces Parisiens, affûtés, prêts pour le sacrifice et les grandes chevauchées – à ma gauche, une palanquée de vétérans aux cheveux grisonnants, plus portés sur la bonne ripaille que le jeu déployé.

Samedi 13 octobre, à la Bastide-de-Sérou (Ariège), il y a eu match. Mais pas celui espéré par les visiteurs.
Passes vrillées de 20m, courses limpides et tranchantes, soutien dans l’axe, les Cabarians, chaleureuse et accueillante équipe folklo des cousins de Djool, avaient plein de cordes à leur arc, et ont fait étal des valeurs intrinsèques du rugby terroir (j’ai pas dit cassoulet, ça c’est QUE chez Titi).

Le beau week-end d’octobre au pied des Pyrénées a commencé par une action commando : l’arrivée réussie d’une bande de types à moitié éveillés à Orly sur le coup de 6h. Deux heures et demi plus tard, les mêmes atterrissaient à Blagnac, accueillis par le renoncule des Alpes dans sa 2CV en livrée PP.

Emmenés par Tony Montana, alias Rico, dans sa 307 décapotable de location, lunettes Kinder livrées avec c’est-gratuit-ça-me-fait-plaisir, les PP ralliaient alors la Bastide de Sérou, 80km plus loin. Où les attendaient Philippe, cousin de Djool à l’état civil, en train d’installer un magnifique buffet de bienvenue, avec saucisse de foie, gibier que je sais même plus ce que c’était, charcute en tout genre, … et pains au chocolat.

Les PP découvrent un charmant petit village sis sur la RD117, entre Foix et St-Girons, son Stade-des-Deux-Jean à la pelouse impeccable, sa salle des fêtes où « c’est là qu’on va regarder le match ce soir » (Philippe), et les bungalows très classe pour nous héberger, juste derrière.
Collation avalée, les vacanciers de l’ovale posent leurs affaires et rallient les vestiaires.
Le match est dans trois quarts d’heure. Maintenant, on rentre dedans.

Les Petits Pères sortent des vestiaires du stade des Deux-Jean, visages fermés, et partent s’échauffer consciencieusement derrière l’en-but. Le kop, emmené par Rony en béquilles, fraternise avec son vis-à-vis, tandis que sur le terrain baigné de soleil, Fifi préside un hakaka en l’honneur des hôtes, surpris bien comme il faut par le demi-cercle imprévu des parisiens.

Ca rigole sur la touche. « Ils sont marrants, vos copains », s’esclaffe un gros costaud avec les avants-bras comme mes cuisses.

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Coup d’envoi. Dans le pack, GrosFred, Fifi, Topak, Rico, Jérôme, Greg, Sylvain, Romeo et Lomu (on lui a pas demandé son avis). A la mêlée, Ben – en 10, Jean Vallès, au centre Djool et Phil, secondés par Guendi, Simon, Yvo, StephJack, Hugues. Si j’ai oublié quelqu’un, qu’il m’excuse.

D’emblée, ce n’est pas du tout le scénario attendu. Les Cabarians, l’équipe folklo de la Bastide, n’ont de toute évidence pas du tout l’intention d’aller chercher le gros combat, ce genre d’affrontement homérique dont Rico et Sylvain, les deux Charolais du pack élevés au bon air pur du Transvaal (et nourris exclusivement au grain) se pourléchaient déjà les babines d’avance. Ca joue, ça écarte, ça jaillit. Enfer. Pouce, ont envie de dire quelques Parisiens, un peu lessivés visiblement de leur réveil aux aurores, du vol matinal, à moins que ce ne soit la conduite sportive de Rico dans les courbes ariégeoises. Et ce n’est pas une métaphore salace (y a pas écrit Sylvain, là).

Les PP ont un genou à terre, mais n’abdiquent pas. Après une série de monstrueux plaquages, récups de balle et départs au ras du pack emmené par un Topak flamboyant, Gros Fred s’arrache en levant les genoux, laboure le terrain et les restes d’un adversaire sur 20m. Ben au soutien, sprint sur 40m, essai. Applaudissements élogieux sur la touche, quelques « Oooooh bieng. Bieng, bieng », tandis que Rony fait mouliner ses béquilles au-dessus de ses voisins-voisines pas rassurés.

Un éclair dans la rencontre : Philippe, le cousin de Djool, met le turbo au centre du terrain. Face à lui, victime toute désignée, Djool s’arc-boute. On sent passer, dans son cortex enfiévré, un dilemme fugace : caramel ou pas caramel ? Mon sang, ma chair – oh Dieu, à quel cruel dilemme ne m’as-tu point soumis ? L’égarement ne dure qu’une demi-seconde. Tampon. Le cousin Philippe mord le gazon (y a pas de poussière au Stade-des-Deux-Jean en ce bel automne), crève-z’y-l’œil ! On imagine les comptes jamais vraiment soldés, les Playmobil cassés, les Lego volés, les Tintin prêtés et jamais rendus.

Mais ces sursauts d’agressivité fratricide ne font que retarder l’hallali. Les Bastidous jouent mieux, plus vite, s’envoient au plaquage, font tourner l’effectif. Les PP, eux, jouent à 18.

Alors que les débats s’étaient à peu près équilibrés, les locaux marquent coup sur coup dans les dix dernières minutes de la première mi-temps, sur de superbes débordements, passes vrillées, tout ça. Rien à dire. C’est beau. Mi-temps. Djool exhale lourdement. « Ils sont rapides les mecs. Et leurs passes … »

Pour combler les brèches, une réorganisation s’impose en début de deuxième mi-temps : Hugues rentre à la mêlée, permettant à Ben de glisser au premier centre. On laisse Lomu là où il est, pour qu’une fois au moins il profite un peu du spectacle aux premières loges et réalise que les récits de Rico sur le nettoyage dans les regroupements sont pas que des bobards.

La fatigue du voyage est oubliée. Les PP mettent la marche avant, font donner les gros, cocottes, départs au ras de Jérôme, Topak et les autres, qui vont donner à quelques beaux essais. Derrière, ça reste hésitant, malgré un Jean Vallès au manettes et un Ben saillant en premier centre. Derrière Stefjack, à l’aile Yvo et Simon (qui passera au centre, si j’ai bonne mémoire) s’envoient au plaquage, sauvent des situations un peu désespérées. Mais malgré tout, le volume de jeu des Bastidous fait la différence. Accélérations, intervalles, les essais s’enchaînent.

Sur le bord de touche, une vive querelle théorique vire presque au drame : le kop des PP se déchire quant à l’emploi optimal d’Yvo à l’aile gauche face aux tentatives de débordement des lignes arrières d’en-face. Celles-ci se retrouvant souvent en surnombre, Yvo doit-il consciencieusement garder son aile et son vis-à-vis ou resserrer la défense étirée, quitte à déserter le bord de touche? Une action, l’adversaire prend le trou. Deux actions, l’adversaire reprend le trou. Et Fifi pique une grosse colère : « mais vous pouvez pas le laisser faire ce qu’il veut ? Vous pouvez pas vous taire deux secondes ? S’il veut monter en défense, il est peut-être mieux placé que vous pour dire que c’est ça qu’il doit faire non ?! » (bôôôh, j’avais jamais vu Fifi s’énerver, eh). Yvo, un brin agacé mais d’un flegme tout british, secoue la tête : « oh, les gars, décidez-vous, merde » (dis donc, hé, on t’aide, si c’est pour se faire traiter comme ça). Un compromis marque la fin des hostilités : « eh, ben fais ce que tu veux ».

Et l’arbitre siffle la fin des débats, sur le score final de 8 essais à 5 pour les Cabarians. Défaite logique, les PP ont un peu manqué de cannes et fait preuve de fébrilité en défense, mais ont déroulé le temps de quelques superbes temps de jeu.

L’esprit parfait de la rencontre se poursuit pour l’apéro-repas d’après-match, qui se transforme vite en banquet champêtre au soleil. Ma 2CV sert de table à tréteaux pour quelques pourceaux qui réussissent le tour de force de mettre du vin dans le moteur. Lomu s’est logé dedans pour une sieste improvisée avant la soirée qui s’annonce longue. Les groupes de niveau se forment, selon le degré d’usure éthylique. Jérôme et Edwige emmènent ceusse qui veulent voir le gîte ariégeois de Greg, d’aucuns partent se balader en ville ou dans les fourrés, Rico et Simon montent une équipe de pétanque pour « venger l’affront de tt’à l’heure ».

Réception prévue dans la salle des fêtes, où les Cabarians, nous explique Philippe, ont eu l’autorisation d’installer un écran géant et une antenne satellite, pour suivre le match … C’était quoi déjà ? Une demi-finale de coupe du monde avec la France, je sais plus contre qui. Sitôt ce pensum terminé, départ pour le banquet du soir. Les Cabarians ont offert un béret à tous les visiteurs, qui se le vissent sur la tête avec des résultats plus ou moins heureux. Super repas, bonne nuit les petits.

Dimanche, la gueule de bois affectant les plus émotifs, les PP se retrouvent en ordre dispersé au café en terrasse, à parcourir un peu la presse locale. Très bons papiers équitation et GRS dans l’Equipe. Bye et merci aux Cabarians, après un nouveau déjeuner dans un restau de la Bastide, foie gras et magrets aux cèpes. Le bonheur. Départ pour Blagnac, pot à l’aéroport pour 20 types en béret et fin de cette belle ballade.

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Aouarde des hôtes parfaits : les Cabarians, qui sont désormais attendus de pied ferme et enjoué à Paris.
Aouarde du lévrier afghan : Jérôme, pour ses courses pleines de hargne, la bave aux lèvres (pas pour sa toilette et son poil soyeux).

Aouarde Bakkies-Botha : Sylvain, authentique bok à moelle, qui se saisit d’un ballon dans les 22 adverses, et zig-zague jusqu’au poteau de coin gauche pour marquer, en écrabouillant ou raffûtant cinq adversaires au passage (il aurait aussi marché sur certains de ses petits camarades, la police scientifique est dessus).
Aouarde du meilleur découpeur : Rico. Ex-aequo, Jean et ses belles planches du boucher.

Aouarde meilleur espoir masculin : Hugues, qu’il a dû naître avec un numéro 9 dans le dos.
Aouarde Caliméro : Rony. « Non les gars, vraiment je viens pas. Je préfère rester chez moi, me reposer. Bon, OK, demandez-moi de venir. Encore. Encore. Oui, c’est bon. OK, je viens … »

Aouarde du meilleur conseil stratégique : ben, moi. A l’échauffement : « C’est plutôt du lourd en face. Eh les gars, faite-les courir et jouez au large, c’est bon, ils auront pas les cannes ».

Palme de la mauvaise foi décernée au kop : « Yvo, garde ton aile, quoiqu’il arrive ! Attention, il prend le trou ! Yvo, t’écarte pas comme ça de tes centres en défense ! Yvo, putain, mais lâche ton aile ! Ca sert à rien, là, tout seul ! »