Essais : Ben 2, Sylvain

Ce n’était pas faute d’avoir été prévenu. Les avertissements avaient fusé, les jours précédents, tous peu ou prou sur le même mode : « ‘Tention les gars, les Tontons Flankers, c’est du sérieux ».

Et effectivement, c’est une équipe costaude, physique, coureuse – velue, quoi, que les Petits Pères ont accueilli samedi 24 novembre dans leur écrin de verdure de parvenus qu’ils sont, à la Grenouillère (parc de Sceaux).

Il faisait beau, presque pas froid, les grèves avaient l’air terminées, tout le monde paraissait à l’heure et détendu, et pourtant, le match, initialement annoncé pour 13h15, fut longtemps retardé par d’autres parties de je-te-rentre-dedans elles-mêmes décalées.
Rien de grave pour les PP ni les Tontons, tous animés d’un esprit combattant mais irréprochable, qui ont livré un match très engagé et globalement plutôt agréable à regarder.

« Match référence », disait Jérôme après le coup de sifflet final, après un appel au discours d’après-match lancé par Mugne, ponctuant une série de performances en demi-teinte depuis la rentrée. Preuve de la rugosité de l’engagement, le lendemain matin, les joueurs affichaient d’ailleurs toute une série de références sur les bras, les cuisses, les mollets, déclinées dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.

Malgré les blessures, les absences, le froid, la grève et les réformes, 21 Petits Pères avaient fait le déplacement jusqu’à Sceaux pour participer à la fête des sens.

Une première ligne inédite : Sylvain, Deski, RaphB ; Roméo, Tramber, Rony sur une jambe, Poussin, Jérôme, Franck O’Bevan, Derrick et Boubou. Nono, Mugne, Ben, Maurin, GrandJu, Zgeg, Ximun, ManuB, Vanou, Lomu complétaient les lignes arrière.

Dans le kop, Juan en guest star, Topak en gros pardessus, Jacques vaguement intéressé par le rugby masculin avant de filer voir du vrai, du gros combat de couettes à Nanterre. Greg, toujours handicapé par son doigt lardé après avoir fait youpi-matin chez lui, était prêt à arbitrer la 1e mi-temps, avant de confier le sifflet à un cadre des Tontons pour la seconde.

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« Fini les essais casquette »

L’entame de match change des habitudes prises jusqu’alors. On sort l’artillerie lourde des deux côtés, les PP sont dans le coup, malgré le savoir-faire de l’adversaire dans les rucks et les mauls. Entame de feu pendant 20 minutes, avec un niveau étonnant de maîtrise, et surtout d’engagement. Les ballons sortent propres, les troisième lattes tentent de se faire la malle, mais la solution va finalement venir du large. Nono éjecte pour Mugne, balle à Ben, redoublée, puis re-redoublée avec Zgeg sur l’aile droite. Et Ben nous place un cad-déb extérieur, pour montrer aux spectateurs combien ça a l’air simple – vu de loin.

1-0.

Sur le bord de touche, le logiciel Président 2.0 tourne à plein régime. Equations, solutions, analyses individuelles, tout concorde : les gros ont fait tout le boulot, et les trois-quarts ont fructifié. C’est beau, c’est net, c’est mérité.

« Fini les essais casquette du premier quart d’heure », observe finement le grand Kahn, replacé à la pile pour Rico- ou GrosFredo-déficience.

En touche, on rejoue les Moissons du ciel pour Jérôme et Poussin, qui chipent plusieurs ballons sur lancers adverses. Derrière, les jambes de Mugne et de Ben, les courses rageuses de GrandJu font parler la poudre, et les (trop rares) ballons pour Zgeg, puis Vanou et Lomu procurent des occases avortées. « C’est le festival de cannes », glose Tramber, de passage sur le bord de touche.

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En deuxième mi-temps, les PP marquent un peu le coup. Les Tontons Flankers montent leur niveau de jeu et arrivent à monopoliser la balle pendant de longues minutes, en faisant sonner l’artillerie lourde dans le petit périmètre, jusqu’à épuisement d’une défense PP pourtant héroïque. Les pénalités s’enchaînent en contre, pour des hors-jeu, des mains qui traînent. Sur un renversement, les Tontons flairent le bon coup. La défense PP, agglutinée dans un regroupement, est battue, les trois-quarts tontons débordent sur l’aile, essai malgré le retour désespéré de Vanou, rien à dire.

Entretemps, sur un exploit perso, Ben nous a gratifié d’une belle course rentrante, suivi d’un zigzag des familles, laissant penser certains qu’il va s’isoler. Ben non, puisque la gazelle des faubourgs aux appuis de kangourou cad-déb’ encore une fois tout son monde et va marquer … benoîtement (pas complètement correct sémantiquement, mais vous me l’accorderez).

A 2-1 à 15 minutes de la fin, côté PP, on trouve le courage de se remotiver encore, tout en redoutant que cet essai ragaillardisse la maison poulaga (et apparentés). Heureusement, les Tontons terminent aussi fatigués que leurs adversaires et finalement, ce sont les PP qui dominent les 10 dernières minutes.

« C’est maintenant qu’on remet la marche avant », gueule Jérôme sur les avants vidés. On sort de notre moitié de terrain, le pack se bat sur tous les regroupements, déroule, perce à plusieurs reprises. Les Tontons encaissent, défendent à tour de bras. Roméo entré en cours de match se paie des départs lancés qui valent des essais dans la tête. Raph, Tramber s’arrachent, font 10 m à chaque fois. C’est d’ailleurs notre Michel Ange de la palette graphique qui va manquer de tuer le match, en perçant sur 40m devant le kop ébahi, avant de se faire reprendre perclus de crampes, à 5m de l’en-but. Sa passe rate les tentacules déployés de Lomu , et trouve les chaussettes de Nono. L’arbitre siffle en-avant. « Y avait que pied », murmure Nono. C’est pas grave, on remet l’ouvrage sur le métier.

Les boks sont partout

Les PP tiennent le match. Dans le coin gauche, arrivé à 10m de la ligne, le pack simule une Petite Porte et Sylvain va pointer petit côté, provoquant des exclamations de surprise sur le bord du terrain. GrandJu, qui officie avec zèle en tant qu’arbitre de touche, et qui faisait depuis une mi-temps l’essuie-glaces devant le kop des Tontons, fait des bonds de cabri, hurlant des trucs inaudibles au commun des manchots. Nota au médecin de bord : penser à lui faire arrêter le Red Bull. Et demander un contrôle antidopage rapport à sa musculature suspecte.

3-1. Fin du match. Haie d’honneur réciproque. Le héros de la fin du match, le grand Kahn-vanné loue ses adversaires du jour, « une équipe solide, dure au mal, énergique, disciplinée ».

Les Tontons, pas bégueules, restent boire un coup après la douche. Le soir de novembre tombe sur la Grenouillère qui se refroidit à vue d’œil pour les organismes un peu trop sollicités. Une petite bière, des madeleines, un bon cubi de rouge, des cahuètes, et hop, c’est parti en ordre dispersé pour le retour en ville, une épreuve dans les bouchons. Un groupe de combat atteint finalement la Petite Porte, comme la nuée porte l’orage ou Titi (qui attend les nouvelles fraîches) porte la prune.

Match retour, la totale

On raconte à notre enfant de choeur treiziste qu’on a joué une équipe très sympa, avec qui le principe d’un match retour semble acquis, après le retour des hirondelles (réflexe alsaco-atavique, j’y peux rien).

« Mais on va leur proposer de passer à un jeu total », renchérira plus tard le président Jacques Cortie, impressionné par le volume de jeu et l’engagement physique développé par les protagonistes. « C’était un match très plaisant à voir, confirme le Serpico des Pyrénées-Orientales. Tout le monde a joué au maximum de ses capacités au service du collectif ». L’ancien arrière à maillot ficelle de Céret, qui aurait pu devenir contrebandier à Prats-de-Mollo si la chance lui avait souri, aurait certainement aimé voir plus de coups de pied zébrer les quatre coins du terrain, … alors même que les PP n’ont pas tenté une seule relance hasardeuse de leur en-but ! « Je suis pas sûr que j’aurais adoré me faire bombarder de chandelles tout le match », ajoute Ximun, novice enthousiaste à l’arrière et repassé tout naturellement en 2e centre en deuxième mi-temps (avec son talent naturel de bouledogue élevé sous le crachin atlantique).

Petite Perle : le trophée, longtemps détenu par Alex Che pour un coup-de-pied-de-dégagement-rendu-à-l’adversaire-et-puis-essai, a été décerné à Chister’man, alias Nono, qui faisait son retour en 9 après de longues semaines de break, et pour une faute imaginaire que je suis scandalisé (parce que je voulais le trophée, une véritable œuvre d’art taillée dans le cèdre par le Rodin des montagnes druzes, le Giacometti de la Bekaa, alias Rony)

Homme du match : Raph, dit grand machin, qui a fait un énorme match. Et puis tous les autres. Parce que les PP, c’est aussi un peu l’école des fans.