Hier soir, sous un temps idoine pour la pratique du rugby, dans l’écrin de verdure du bois de boules-homme, devant le magnifique stade de l’ACBB (belle pelouse, belle largeur, belle tribune) les PP se comptent à l’heure du rendez-vous. Pas le temps de tergiverser : hormis Greg qui avait prévenu, tous les PP sont là 5 minutes avant l’heure du rendez-vous. A chaque voiture, on compte, on recompte, on décompte, on se refile les infos sur les derniers « indécis »… Finalement, je ne cite personne mais juste un chiffre : 15. Tout juste, tout rond, tout pile. 15 o’clock comme dirait les anglais, 15 au cloaque comme on dit à la Jonquera. Mais 15 motivés comme Jamais.

Greg nous rejoint dans les vestiaires alors qu’on distribue les maillots et que certains découvrent de nouveaux numéros.
Vanou par exemple, a troqué son 14 passe-partout comme un numéro 2 hyper-hype (comme disent les jeunes).
Attention Vanou, si c’est en forgeant qu’on devient forgeron, c’est en troquant qu’on devient trop con… Et déjà tu es talonneur… D’ailleurs, on ne dis pas Talonneur, on dit t’as l’honneur. (et c’est le privilège des jeunes filles de 15 ans, lalala lalala lalala lalala ). Bref, on est 15, on a des maillots, des crampons et la foi, on est donc une vraie équipe. Point.

L’échauffement commence regroupé autour de Jacques qui nous donne les trois principes du match : On joue simple, simple et simple. Ensuite, Greg reprend les rênes en nous donnant ses principes : à l’envie, à l’envie, à l’envie. Je crois avoir finalement compris les deux…. Tandis qu’on forme dans l’urgence les nouveaux gars de la touche, l’adversaire se motive sous la harangue de son coach qui sera l’arbitre (très bon arbitre, soyons franc).

Après un haka-ka avec Rony à la baguette, le match débute et j’ai tout de même l’impression que les gars en face ne sont pas tout de suite dedans malgré leur speech d’avant match.
Mais nous nous chargeons de faire comprendre aux adversaires tranquillement debout « en protection » à côté des mauls que ce match, ils allaient devoir se sortir un peu les tripes pour le gagner. Le premier 1/4 d’heure est somme toute assez équilibré, chacun (et surtout nous) se disant qu’il ne fallait surtout pas prendre un essai dès le début pour éviter toute démotivation.
Et ça marche ! plus le temps passe, plus la confiance grandit, plus les percussions sont rugueuses et les courses pénétrantes… Mais il y a tout de même une équipe en face ! Devant, ils sont indéniablemant plus gros que Vanou et nous font parfois mal même si stratégiquement, ils n’ont à mon avis pas assez utilisé cette arme.

Cependant, c’est sur un groupé pénétrant suite à une pénalité qu’il marquèrent via leur pilier, très bon et solide joueur, un essai qui ne supporte aucune critique.
Cet essai survient à la demi-heure de jeu concomitamment avec le premier aléa : SimonB se blesse à la jambe (claquage ?), impossible de bouger. Nous avons à peine le temps de nous ré-organiser comme on peut que c’est O’Bevan qui déboule ventre à terre et surtout bras en l’air pour faire les soldes de printemps pendant une heure sur les touches, chez nous où chez eux.
Ximun retrouve avec joie ses petits copains des lignes arrières et on repart de plus belle sur notre jeu simple et posé fait de percussions, protection, sorti du ballon, jeu des lignes arrières. Antoine commence à prendre la mesure de son poste et nous devant, on commence aussi à mieux le protéger… Et continuer sur du jeu simple : sortie de ballon et déployé vers l’aile. et c’est sur un mouvement de la sorte après un beau renversement de jeu de Jacques que Pope va marquer le long de la ligne après que chaque arrière a successivement cadré son vis-à-vis et passé. Quelle classe !

Malheureusement, la fatalité s’abat encore sur nous : Cette fois-ci, c’est StefJack qui s’écroule dans un cri et qui semble, pour une fois, réellement blessé à la cheville… Nous repartons à 14 mais cet essai nous a redonné du tonus. On remonte le terrain, on enfonce, on nettoie, touche à 40m, touche à 30m, touche à 20m… du vrai gagne-terrain, mais il sont bien organisés en défense, les bougres.
Nouveau renfort ? C’est StefJack qui revient sur le terrain, clopin-clopant mais près à mourir sur une jambe plutôt que de végéter sur deux. Finalement, c’est sur une touche au 5 mètres que la mi-temps est sifflée. un peu de repos bien mérité, mais surtout une belle séance de motivation ! Ce match on va le gagner. maintenant on sait à quoi s’attendre, on n’est plus dans l’inconnu, ces gars, ils sont bons, jeunes, organisés mais surtout, ils sont à notre portée ! Si on tient devant, derrière, il y a la place pour passer….Jacques crie : premier sur le terrain ! le con… Mais il en veut, le Jacquot ! Il est sous perfusion d’ovomaltine dans ses nouvelles chaussures, c’est pas possible !

La seconde mi-temps démarre et nous prenons les choses avec encore plus d’envie et de sérieux. Devant, on fait mieux que tenir, on fait avancer quelques cocottes avant de lancer les chiens fous des lignes arrières. Pendant un gros 1/4 d’heure, c’est l’hallali sur leur demi-terrain. On domine, on a des occas’, successivement Lomu, Pope, Raph, moi-même avoir l’impression que ça va passer…mais ils ont des cannes, les jeunes EPOistes, et même si un trou est pris, il y a toujours un collègue à eux pour venir rattraper le coup en nous rattrapant les chevilles.

Mi-temps de la mi-temps, les mouches commencent à changer d’ânes. Pourtant, je n’ai pas l’impression qu’on pue plus qu’eux. C’est le bras magique de Jacques qui fait alors un bruit sourd. Verdict ? On s’en fout, il reste sur le terrain, il n’aura qu’a finir tout le match en ne faisant que des chisteras ou des bras roulés (Copyright Nono & Ben).

Mais désormais, on ne joue plus qu’à l’arrache. Chacun explore son tréfond intérieur pour en ressortir l’énergie de l’espoir. Raph a vidé toutes ses tripes sur le terrain, je sens qu’il va bientôt cracher son duodenum et son gros colon…Mais sur un melée dans le camp adverse, c’est encore lui qui repart défier les gros d’en face au ras. Pénalité pour nous ? Une seconde d’hésitation des gros « gros » ? c’est Vanou qui s’élance, fier de son numéro 2 et va s’encaster dans les deux piliers adverse comme une étagère dans une armoire Ikea.
Et même s’il n’a pas progressé de 10 mètres, la balle n’est pas perdue et on repart… Mais à force de repartir, la fatigue aidant, on commence à être un peu moins ensemble et petit à petit, les EPO reprennent le dessus. Rapidement, ils campent dans nos 22 de longues minutes. Il ne reste que 10 minutes à jouer et on ne veut pas lâcher. Pénalité. Ils enfoncent, on écroule. Pénalité. Ils enfoncent, on gratte au sol. Pénalité. Il essaient d’enfoncer, on arrache la balle et on dégage en touche… dans nos 22. Et rebelote.

On a mis les barbelés mais on n’a plus assez de jus pour électrifier la clôture. Sur une belle action à plusieurs temps de jeu et de lancement au ras, ils finissent par passer petit côté. Caramba, c’est vraiment trop injuste… Surtout que cette action nous fait double peine : Greg est resté au sol, lâché par son mollet qui a claqué comme un string sur le cul d’une brésilienne. On le soutient, on l’applaudit, on se regarde et on se dit : On y retourne, pour Greg ! L’adversaire ne croit pas vraiment à notre utime sursaut, oserai-je dire soubresaut… Pour lui, c’est un champ du cygne éphémère mais il n’y aura pas un seul canard dans notre utime partition. Devant, à 7 contre 8, on ne passera plus, il s’agit juste de sauver les meubles et d’ouvrir aussi vite que possible… Et il ne reste même pas 5 minutes.

Mêlée dans leur camp sur la gauche du terrain. La balle sort rapidement et circule vers la droite jusqu’à l’aile ou Pope va percuter aidé par Phil et Mugne au nettoyage. La balle ressort et re-parcourt toute la largeur du terrain de mains en mains vers la gauche jusqu’à Lomu qui refait un point de fixation que les gros font progresser de 5 bons mètres avant de ressortir la balle qui repart de plus belle dans la largeur. l’adverse, glisse, glisse, mais finit par déraper lorsque Phil, encore lui intercalé entre le 12 et le 13, jaillit comme un boulet pour une course rectiligne vers l’en-but et aplatit rageusement. Liesse, énorme liesse, Phil part faire un tour d’honneur tandis que les PP s’embrassent et se congratulent. Jacques à les bras en l’air… enfin, celui qu’il lui reste. Stefjack, qui malgré sa cheville endolorie a tenu tout le match en boitillant avec prestance jusqu’à donner une balle d’essai, se met à sauter comme un cheval de rodeo…

L’arbitre signale le rond central : il reste du temps !!! On se remotive et on repart encore plus fort, la fatigue n’est plus qu’un lointain souvenir, comme le prénom de la première amoureuse, alors que l’adversaire nous offre un ballet pour regards hagards et gestes d’impuissances. Coup d’envoi trop court, aucune hésitation, on prend la mêlée au centre ! Au diable la bienséance ! A 14, on a le droit d’être hargneux.

Finalement, seuls deux temps de jeu seront lancés avant le coup de sifflet final. Tout le monde se congratule, c’était un sacré match, au final, et ces EPO sont une bien belle équipe, joueuse et pas méchante pour un sou(pir). Et leur coach fait un excellent arbitre. Mais tout ça, ce ne sont que des considérations à postériori ! sur le coup, on a l’impression d’avoir gravi l’Anapurna à cloche-pied. D’avoir réalisé un exploit aussi beau qu’inutile. Mais pas si inutile que ça… C’est le genre d’exploit ne menant à rien mais formant le mortier qui cimente les liens en fer forgé entre les Petits Pères.

Dans les vestiaires, nous restons mesurés car on partage les lieux avec l’équipe adverse et qu’on sait se tenir (et qu’on n’a pas gagné, en fait !) mais ensuite, on repart au 3 obus s’enquiller quelques bières en se disant que ce match, dans 10 ans, on s’en souviendra tous. Moi, je l’ai déjà raconté à mon fiston !… Sinon, ces cons aux 3 obus, à minuit, ils éteignent la lumière. Let’s go to the Petite Porte, alors !!! Et là, on retrouve Tramber qui a du se noyer sur la narration en boucle de notre soirée. Mais putain ce que c’était bon. Et même si ce matin en réunion avec 12 personnes, j’ai soudain bondi de mon siège et sauté partout en mettant ma jambe sur la table car j’avais une énorme crampe subite à la cuisse, je suis sacrément fier de nous.

A toujours.
N°5