L’affaire était bien engagée dès le départ. Conscients du rôle stratégique des chars d’assaut dans la dernière guerre, les PP avaient décidés d’envoyer tous leurs trois-quarts en vacances et de venir dans les plaines rieuses du Parisis avec une équipe uniquement composée d’avants.

Suite à un brain-storming au niveau du bureau et à une soudaine crise
d’angoisse devant les grands espaces remplis de pommes de terre, la
stratégie audacieuse avait été revue à la baisse, certains trois-quarts non seulement furent autorisés à jouer, mais y furent appelés à cor et à cris.
Ainsi à force d’être 14, puis 15, puis 14, puis 15 durant toute la semaine les PP furent finalement 18 (ou 19) à se retrouver sur le terrain des Rebelles de Fontenay, autrement dit à Perpète-les-ouches en direction du Nord.

Qui dit Nord dit froid, plus de soleil, de la brume et finalement un temps
très acceptable pour jouer au rugby, l’averse de grêle ayant menacé mais seulement quelques instants et c’était avant le match. Le terrain parfait quoique peu aplani, le cantonnier du village s’étant barré avec la femme du boulanger et le caterpilar de la Mairie…

Dans le vestiaire, c’était du sérieux, on s’est même attendu pour sortir
des fois que des vikings en maraudage kidnappent l’un d’entre nous, puis nous nous sommes rendus sur le terrain faire nos exercices de gym-tonic sans vodka. Pour soutenir l’idée de la stratégie initiale, et surveiller les trois-quarts finalement invités, Jérôme, l’âme du combat de la guerre totale, le souffle divin de Thor, le tigre impétueux de notre moteur fut mis en premier centre. Pour le reste les avants étaient à peu près des avants et les arrières des arrières. Un commando, c’t’un commando… On est polyvalent bordel!

Le coup d’envoi donné, nous sentîmes rapidement que ça n’allait pas être de la tarte. A part deux, trois maigrichons qui ont toute notre sympathie, les Rebelles gavés de patates depuis l’enfance, nous rendaient un bon paquet de kilos devant et derrière. D’ailleurs à bien y repenser on aurait dit qu’ils avaient eux aussi étudié la stratégie des chars d’assaut et avaient aligné une équipe d’avant même derrière.

Qui dit équipe d’avants, dit jeu en finesse, et que je te rentre dedans et prends ça dans ta gueule et vas péter mon gros et que je te marche sur la tronche… Un vrai bonheur fait de poésie et d’amitié virile qui s’exprime par moult embrassades et étreintes prolongées au sol, de déblayage, en piétinage, voir en plongeage et gardage de ballons au sol. Bref un jeu un peu sauvage où les petits-pères ne dominèrent pas vraiment, mais où ils ne cédèrent pas d’un pouce, et les vagues bleues furieuses des Rebelles se brisèrent sur la digue de notre honneur et de solides plaquages. Ça dura une mi-temps comme ça, où les PP furent dominés territorialement, firent quelques belles incursions, des petits moments dans les 22 adverses… Mais score nul à la mi-temps.

Le coaching fut vite torché pour cause d’effectif non-pléthorique, en
revanche la stratégie fut revisitée : il était manifeste que nous ne
passerions pas en allant tout droit dans leur pack, donc : on allait ouvrir et voir ce qu’on allait voir…
Bing le match repart à l’identique, choc des corps, déblayage, mais soyons malins, les PP commencent à écarter et à cavaler. Ben oui quitte à avoir rapporté des trois-quarts dans les coffres de nos bagnoles, autant les faire courir. En face les Rebelles se trouvent mal en défense, et les PP ouvrent le score. Les Rebelles reviennent chez nous, mais on s’obstine à ne pas faire de faute de défense, et ça bataille sec à un mètre de notre ligne d’en-but. Puis on repart au large, et puis on marque à nouveau, and again and again.

Les Rebelles malgré leur belle volonté, n’arrivent pas à inverser le cours de la seconde mi-temps et l’avantage au score conduit les PP vers une nouvelle victoire chaudement acquise. Fin du match, on range nos trois-quarts dans les coffres des bagnoles, puis on va boire un coup entre avants en se disant que les guignols des lignes arrières on a bien fait de les apporter puisque finalement : il n’y a qu’eux qui ont marqué.

Mais bon les ballons c’est nous qu’on leur a filé merde !

Victoire 4-0 (mi-temps 0-0)
Marqueurs : Pascal (2), Sbat (2)