PUTAIN ! ON A GAGNE ! ON N’Y RETOURNE PLUS !

Les Rame XVI, ça joue à Conflans : c’est une donnée qui peut paraître anecdotique mais qui ne l’est pas. Conflans, c’est une heure depuis Paris, c’est la découverte de la campagne, c’est le survol des anciennes carrières en RER. Conflans c’est une gare qui s’appelle « fin d’Oise ». « Fin d’Oise » putain ! Nous qui sommes plutôt habitués aux méandres de la Seine et de la Marne, partir sur les terres où naît la plus picarde des rivières était un peu notre expédition à la recherche des sources du Nil à nous. Après une heure de marche (précisément 52 mn pour faire 3,8 km) entre la gare RER et le stade, ce sont les retrouvailles du commando PP. 17 fiers gaillards, l’œil rieur dans le club house, décontractés des zygomatiques : pourtant la tension est là. Les autres sont entre 24 et 273, j’ai pas trop eu le temps de compter. La moitié de la commune doit jouer dans l’équipe folklo, l’autre moitié dans l’équipe senior.

Dans les vestiaires, ça s’organise autour d’un mot d’ordre : « on gagne et non ne revient plus ». Et ça, forcément, quand on vient de se taper 1h de RER et 3,8 km à pied ça parle. Nos demis prennent la parole, trouvent les bons mots pour motiver les grognards. Je constate que la charnière (d’ailleurs pourquoi on n’appellerait pas les deux demis « la pinte » au lieu de la charnière ?) est placée sous les meilleurs auspices linguistiques. Benoît, benedictus, « celui qui est béni » et Théophile, qu’on peut lire « Theos philei », « dieu (l’) aime ». Si avec ça on ne gagne pas. Je ne partage pourtant pas mes remarques à mes compagnons, en voyant que certains ont déjà la bave aux lèvres, je me dis l’heure n’est pas aux finasseries étymologiques et je sens que je vais me faire engueuler.

Echauffement sur un terrain moins boueux que ce que l’on aurait pu craindre après ces jours pluvieux. Un crachin qui donne envie de chanter « Flower of Scotland » berce la répétition de nos gammes. Derrière, ce n’est peut être pas la ligne de ¾ la plus flamboyante de l’Histoire des PP, mais c’est la seule qu’on ait ce soir là, et c’est déjà beaucoup. Devant, on ne pourra changer que deux artistes et ça va taper très dur, mais la détermination est énorme. Les tribunes sont pleines à craquer pour un match de folklo : au moins dix spectateurs ont fait le déplacement. Le terrain quant à lui est aussi clair qu’une explication de Muriel Pénicaud, toute une bande est dans le noir et par moment l’éclairage quasi-stroboscopique rappelle les pires soirées à la Peña™️.

Lorsqu’on se retrouve tous pour l’explication d’avant-match, il n’y a plus de sourire, les sourcils sont froncés, les dents serrés, les poings fermés : on est prêts. En face, ils le sont aussi, et dès le coup d’envoi (on tape sur eux), ils arrivent « lancés comme des frelons »©️ pour percuter nos gros. On sent que ça va être ça tout du long. Les mecs d’en face ont des carrures de tanks soviétiques et vu la tronche épaisse des ¾ on comprend que ce sera plutôt Koursk que Baïkonour. Rapidement, Moustaku commet une moustafaute qui, heureusement, ne prête pas à conséquence. Puis pendant 5 minutes, ça tape, ça tape, ça tape, jusqu’à ce que sur une perte de balle. Notre troisième ligne de choc (Schrott, Dam, Lamoche) relance, envoie vers Théo qui file vers la terre promise… mais qui est repris à 50 cm de la ligne. Dans sa chute, il parvient à faire glisser la balle derrière lui et là, Moustaku sort du bois. Animé d’une saine envie de se racheter, il avait suivi l’action, il ramasse et sous les yeux ébahis des Rame XVI, il aplatit. Ensuite, les actions s’enchaînent chez eux, de rucks dégueulasses en lancers de jeu chaotiques. On joue dans la bande du terrain mal éclairée (que nous appellerons désormais « le Mordor ») et Régis, repositionné à l’aile, suit bien les coups. Il réussit à ramasser un ballon qui traîne pour aller aplatir. Essai refusé : on ne voit rien. On découvre donc cette nouvelle règle, si une action a lieu dans le Mordor, il y aura forcément en-avant. Au bout de 20 mn, première pause. De leur côté, déjà deux gars sortis sur blessure : mais comme ils ont 213 remplaçants, ça change pas grand-chose.

On se regarde tous dans les yeux, ça commence bien, mais rien n’est fait. Il faut les défoncer maintenant, leur faire mal. Bref, un discours tout à fait conforme aux valeurs© de l’Ovalie chères à Matthieu Lartot. Et quand on rentre, de l’envie il y en a, de la motivation, de la tactique, de la tratégie, de la transmission… mais ça manque un peu de technique. Pêle-mêle, entre le 2ème et le 3ème tiers temps, votre serviteur s’illustrera par la non-réception d’une superbe sautée envoyée par Kévin et qui aurait clairement été au bout (si je l’avais attrapée bien sûr), notre Elliott national plein d’allant, percutant, dynamique et toujours dans l’avancée se fera, lui, tancer pour avoir croqué un 6 contre 2, quant à notre Moustak il s’intercale devant Issapel sur une situation d’essai. Ce ne sont là que les occasions de marque manquées : je vous passe les multiples en-avants, les réceptions pourries, les ballons hauts mal maîtrisés, les plongeons dans les rucks…

Ce deuxième tiers-temps commence avec dix minutes de domination stérile dans leur camp. A de nombreuses reprises, on voit des franchissements d’Eliot, de Théo, de Lamoche, de Damien, de Schrott ou encore d’Issapel. En outre, notre formidable conquête en touche est marquée du sceau des lancers impeccables de Nikki et des prises de balle très solide de N’Alex et Oussama, les Rame XVI passent leur vie dans leurs 22. La très belle animation proposée par notre charnière permet à Kevin, Squat et Régis de pilonner leur aile droite. Mais ça ne marque pas ! Jusqu’à ce que, finalement, Ben trouve la faille et file sous les poteaux. Essai refusé : l’arbitre n’a pas pu voir si c’était aplati et soupçonne un en-avant. Qu’à cela ne tienne, moins de 5 minutes plus tard, ça écarte à gauche, Dam ramasse, avance, se fait plaquer à 2m de la ligne. Le soutien tarde, je ramasse et file au ras pour aplatir. Plaqué devant la ligne, je tends le bras et pose la gonfle sur la ligne d’en-but. Essai refusé : on ne voit pas clairement si le ballon a passé la ligne. Ensuite, nous sommes renvoyés dans nos 22, dans la partie sombre du terrain. Le Mordor sera le lieu d’une défense âpre et obstinée des PPs. On ne lâche rien, on ne leur donne rien : énorme travail d’abattage. Du coin de l’œil, je vois Doud et Knacki s’y filer rudement. C’est sale, il pleut, on est dans la boue, ça défend comme des chiens, nos gars éructent, les autres braillent, on se roule dans la fange. C’est le rugby. Et ils ne marquent pas !

Petit pause : le troisième tiers-temps durera, lui, 30 minutes. Dam nous rappelle à l’ordre : on ne peut pas ne pas marquer vu ce qu’on propose. On sent qu’on peut gagner, on commence à y croire, mais il fait qu’on en replante un. Il faut s’y remettre. Alors on s’y remet, avec de l’envie, trop peut-être, si bien qu’au milieu du terrain, plein axe, un gros Rame XVI perce, cassant 5 plaquages trop hauts et va inscrire un essai à zéro passe. 1-1.
Et là il se passe quelque chose.

Là, il se produit ce qu’on attend à chaque match, il se produit ce pour quoi on s’entraîne chaque jeudi : au lieu de baisser la tête, on la relève de la plus belle manière qui soit. Voyez plutôt : engagement, récupération des gars d’en face, retour de coup de pied, on est à nouveau dans nos 22. Et là, Théo met un coup de pied de mammouth. On se dit que ça va aller en touche et ça ne suit que mollement, sauf Squat, Squat a compris que ça risquait de rester dans le terrain : et il a raison. Sur un rebond, il récupère et perce, suivi par Schrott et votre serviteur. Et l’essai qui va suivre est superbe. Squat me fait la passe (et putain cette fois je l’attrape), je recroise avec lui, la défense est fixée, mais Squat est repris, heureusement, il reste Schrott qui se voit délivrer une superbe passe après contact. Il fait alors parler ses cannes et son explosivité pour planter l’essai de la victoire. 2-1.

Les gars exultent, il reste moins de dix minutes à tenir. Derrière, ça continue, Régis s’illustre sous un ballon haut complexe à négocier et avec Eliot et Kévin, ils se proposent continuellement au secours des gros. Parlons en des gros, de nos 8 de devant. On pourrait les renommer bravoure, abnégation, détermination, fierté, opiniâtreté, dévouement, courage et hardiesse. Ils se font pilonner par les autres, mais ils ne lâchent pas. Chaque pouce de terrain se gagne au prix de grognement de douleurs, c’est sale, c’est brutal, c’est vicieux mais chez nous, ça tient. Comme tout au long du match, on reste silencieux : la pression est dans leur camp. C’est la lutte, ça s’écharpe…jusqu’au grattage expiatoire. Malheureusement, je suis trop loin et à moitié assommé par un bourre-pif que j’ai ramassé dans un maul (le pilier d’en face prétendant que j’essayais, de lui prendre les jambes pour faire écrouler). Je ne vois donc pas qui gratte, mais quand je vois Théo taper vers les tribunes et tout le monde hurler de joie, je comprends qu’on a gagné.

PUTAIN ! ON A GAGNE ! ON N’Y RETOURNE PLUS !

Derrière, c’est la fête dans les vestiaires. Ce soir, on a vu une équipe et comme le disait Kévin avec sagesse : « on n’a pas gagné proprement, mais il ya quelques mois, ce match, on l’aurait perdu ». Alors la bière a meilleur goût que jamais. Elle a le goût du rugby, des copains et de la victoire. Elle a comme un goût de reviens-y, sauf que, putain, on n’y revient plus à Conflans !

De votre correspondant en banlieue Thibaud